lundi 2 septembre 2013

Aujourd'hui j'ai fait pleurer un enfant

©MollyAlias.
Cours Julien, Marseille.



Billet d'humeur du jour.
Je te prépare un article plus "recherché", mais l'humeur c'est bien aussi, alors je t'en fais part.

Oui, aujourd'hui j'ai fait pleurer un enfant... Enfin, bon, un "enfant", il est grand quand même cet enfant, bientôt 19 ans.



Renouvellement de contrat jeune majeur, jeune homme très stressé, il ne m'adresse pas du tout la parole pendant le trajet (long, en voiture, dans les embouteillages, à 17h), se mure dans le silence et visse ses écouteurs dans les oreilles. 
En gros, un trajet sympa, pendant lequel tu passes ton temps à te demander si tu as le bon positionnement, si le fait de ne pas lui parler également est ce qu'il faut faire, parce que bon quand même tu n'es pas un taxi, mais en même temps tu sais qu'il a très peur et que de ne pas parler c'est peut-être plus simple pour lui, mais bon quand même, faudrait le préparer ce contrat jeune majeur (même si ça fait un mois que tu lui en parles )... En fin bref, 40 minutes de tortures intellectuelles pour finalement se dire que s'il ne veut pas parler ben qu'il ne parle pas (et moi non plus, le silence c'est bien)!

Le contrat se passe. Bien. Même très bien. Le jeune homme est valorisé, les démarches qu'il a pu faire sont indiquées, et même s'il ne dit pas grand chose, il sourit.

Retour en voiture. 

Il est détendu, soulagé, souriant, il parle. Beaucoup. Du coup, je parle aussi.

(Petite aparté: dans notre service, nous partons du principe que les jeunes gens accueillis et accompagnés doivent être au courant, informés et en accord avec les positions que nous prenons, nous sommes donc dans une transparence totale avec eux concernant leurs difficultés rencontrées et repérées et essayons de les parler avec eux - du moins, autant que faire ce peut)

Donc je parle. Je parle de lui. De ce qu'il nous a montré de sa façon de fonctionner. 
Je lui dis qu'il n'a pas besoin de jouer le mal-heureux (même si parfois il l'est vraiment), qu'il n'a pas besoin de faire croire qu'il est sourd, aveugle, avec une maladie mortelle, délinquant, trouble-du-comportementiste pour qu'on s'intéresse à lui. 
Que ce qu'il est, lui, en dehors de ce qu'il joue, est beau et intéressant. Qu'il a de la valeur en dehors du pathos. Qu'il n'y a pas que le malheur qui lui donne de la valeur. Qu'il a sa valeur d'humain parmi les humains. 

Et là, ce grand garçon de 19 ans qui me dépasse de deux têtes, s'est mis à pleurer doucement. Juste les larmes aux yeux.

Et il s'est passé un truc de l'ordre de l'émotion humaine. C'est tout.



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